Par : Erik

Il n’y a qu’une toute petite erreur dans ce livre, c’est que le mental, la remémoration du passé, la pensée du futur, et plus généralement toute imagination, se produisent dans l’instant présent. Comment pourraient-ils se produire en un autre temps ?
Ce faisant, l’auteur coupe le lecteur de l’aide la plus puissante qui soit sur le chemin du développement spirituel, celui de l’imagination vraie, imaginatio vera. En effet, dans toutes les traditions spirituelles, la pratique majeure du débutant, laïque, moine ou ermite, qui va durer pendant des années voire des décennies, consiste à “imaginer” sa divinité d’élection. Vous pouvez consulter les écrits de Sainte Thérèse d’Avila sur la méthode de l’oraison, tout y est détaillé. L’imagination n’est abandonnée que dans un second temps, lorsque le pratiquant est très avancé.
Ensuite, vous pouvez trouver multitude de récits confirmant ce que je dis. Par exemple la vie du Père Séraphim, rapporté dans “Père Arsène de Rostov”. Il est resté 30 ans au goulag à nettoyer les fosses d’aisance, et il a fini par y trouver le bonheur. Croyez-vous qu’il ait appliqué la méthode d’Eckhart Tolle ? Qu’il ait obtenu ce résultat en s’appliquant à ressentir le froid, la faim, en contemplant la misère des prisonniers et des gardiens ? Il ne l’aurait jamais pu, car les perceptions de notre esprit ordinaire sont “contaminées” par de nombreux voiles, elles ne nous montrent absolument pas le Réel. Il est devenu heureux en imaginant le Christ à ses côtés, et méditant sur lui, en ne vivant qu’avec lui. Il a fini par ne plus voir le monde autour de lui. Ensuite s’il a continué à progresser (ce que l’histoire ne dit pas), ces apparences pures générées par son esprit se sont résorbées dans leur source et il a vu le Réel (un monde où chaque atome est Conscience, et où la “matière” telle que nous la percevons n’existe pas). Mais personne n’a jamais vu ce Réel sans avoir généré auparavant des apparences pures. Ce n’est pas toujours explicité avec tous les détails, mais c’est dans toutes les biographies. Au sujet de biographies, si vous vous renseignez, vous verrez qu’il existe plusieurs types de biographies du Bouddha, des biographies historiques, dont l’intérêt est “inférieur”, et des biographies qui racontent sa vie dans les “terres pures”, pays des dakinis, pays des nagas, etc… et qui ont une valeur supérieure pour le pratiquant.
Eckhart Tolle ne fait que ramener le lecteur à ses perceptions contaminées en le coupant du pouvoir de son imagination. Si ça peut calmer un peu ses angoisses, ça ne le conduira nulle part cependant.
Quant à ce qui lui est arrivé lui, il ne l’a jamais compris, mais c’est facile à expliquer, et l’on ne peut en tirer une voie de réalisation. On retrouve ce schéma dans les “épreuves initiatiques” de diverses traditions, sous l’effet d’une très grande peur/angoisse/émotion, la cuirasse caractérielle du pratiquant se brise temporairement, et il transparaît quelques éclats de sa vraie nature. Mais ensuite, s’il n’y a pas une pratique correcte, elle se reforme. Chacun peut l’expérimenter pour soi-même.